Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/15

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dans sa main, la montre à tous ses voisins, s’écrie : « Tiens !… tiens !… qu’est-ce qui m’envoie une lettre ?… Ah ! Bon Dieu, qu’est-ce qu’il y a dans cette lettre ? » et ne se décide pas à l’ouvrir.

Moi, non plus, je ne pouvais me décider à ouvrir la boîte, pour voir ce qu’il y avait dedans.

La feuille d’envoi mentionnait bien ceci : « chien vivant ». Mais, en plus de mon nom et de mon adresse, elle n’indiquait que le nom et l’adresse de la maison anglaise de Messageries chargée de l’expédition. Rien d’autre. Rien d’autre que des rangées de chiffres en diagonale ; ici et là, des opérations d’arithmétique, auxquelles je ne comprends jamais rien. Et puisque tout était payé…

Tout était payé, sans doute ; c’est ce qui me paraissait le plus louche. De qui me venait ce chien ? Et pourquoi un chien, un chien qu’on insistait à qualifier de vivant ? Quelle bêtise !

Je me pris à crier tout à coup, en levant les bras au ciel :

— Il n’eût plus manqué, parbleu, que ce chien fût un chien crevé…

J’étais intrigué, un peu énervé… Enfin, je n’avais commandé de chien à personne, je n’en attendais de personne, je n’en voulais de personne. Un de ces merveilleux chiens d’Irato, en porcelaine blanche, à la bonne heure !… Mais un vrai chien… un chien en chair et en os ?…