Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/152

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dans la salle ? Son visage avait quelque chose de reposé ; il était moins gris, moins cendreux. Je m’aperçus alors qu’il l’avait fait raser, par décence, sans doute, et par politesse. Hormis ce léger détail, je vis tout de suite qu’il ne songeait pas à se composer une physionomie, une attitude. J’ai retenu le récit qu’il fit de son crime, la candeur de sa voix, la sobriété de ses gestes. Voici ce qu’il dit :

— Je me rendais à Compiègne, traînant mes meubles dans une voiture… J’avais trouvé de l’ouvrage à l’année, dans une tuilerie… Je suis tuilier de mon état, monsieur le juge… La journée avait été dure… il faisait une chaleur… une chaleur… une chaleur !… Jamais je n’avais eu si chaud… et, en arrivant à Montbiron, j’étais fatigué… fatigué…

Ici le président l’interrompit. Il dit, d’une voix joviale, au milieu des rires de l’auditoire.

— Accusé… la suite de votre histoire, dément complètement cette affirmation… continuez.

Coquereux regarda le président, ne comprit pas cette plaisanterie et il continua.

— Et puis, je souffrais beaucoup de ma jambe… J’ai des varices, sauf vot’ respect, monsieur le juge… Et puis, voilà qu’une pluie d’orage se met à tomber… qui me trempe jusqu’aux os… J’aurais bien voulu m’arrêter à Montbiron… Mais, je