Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/153

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n’avais pas d’argent… Je connais les auberges… on m’aurait fermé la porte. Et puis, j’avais bien vu en entrant dans l’ village, c’ qu’y avait d’écrit sur le mur. Ils avaient mis d’abord : « Il n’existe pas à Montbiron d’asile de nuit pour voyageurs indigents », et puis : « Avis : les bons de pain sont supprimés ». Quoi faire, mon Dieu !… Pardi… avec du beau temps, j’aurais pas été embarrassé… Je me serais couché dans le fossé… Mais, avec une pluie pareille… Ah ! sans ça !…

— Au fait ! Au fait ! grimaça le président que ces préliminaires visiblement agaçaient… Vous êtes à Montbiron… c’est entendu… Alors ?

Après quelques hésitations, car cette nouvelle interruption lui avait fait perdre le fils de son discours, il reprit :

— Comme je sortais du pays, sur ma gauche voilà que j’aperçois une grande cour de ferme… des granges… des magasins… des greniers… « Sapristi ! que je me dis… ça ferait bien mon affaire… » Ma foi ! j’entre dans la cour… et je demande l’hospitalité pour le reste de la journée et pour la nuit… « Je suis bien fatigué… que je dis… J’ai des varices… Et cette sacrée pluie !… » La patronne, une bien brave femme, monsieur le juge… me mène dans une espèce de grand grenier… où il y avait des paniers… et, dans un coin, par terre, de la paille… « Tenez… que dit