Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/155

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je ne suis pas beau… Je suis vieux… J’ai des varices… Je me mets à rire… « La drôle de petite enfant ! » que je dis… Bien sûr, je n’étais pas fâché… J’aime les enfants, monsieur le juge… les petites filles surtout… J’en ai eu deux… Il y a bien longtemps… Elles sont mortes… Ah ! sans ça…

Il avait débité tout cela sans gestes, les yeux presque constamment baissés, et d’une voix humble, monotone que l’âge, plus que l’émotion, faisait trembler. Et il était resté court, il s’était tu. On ne lui voyait plus les yeux. Il semblait s’être endormi, comme bercé par le chantonnement de sa voix…

— Hé bien !… fit le président… Qu’est-ce que vous attendez ?… Est-ce que vous dormez ?… Vous en étiez à… Où en étiez-vous ? allons, continuez…

Le petit homme leva les paupières. Il ne regarda rien, ni la cour, ni le banc des juges, ni le public entassé sur les gradins. Il regarda seulement du coin de l’œil les gendarmes qui lui donnaient quelques bourrades dans le dos, comme pour le réveiller… Alors il reprit :

— J’aime les enfants… monsieur le juge…

— Vous l’avez déjà dit cent fois… C’est entendu… interrompit encore le président, qui, les deux poings au bras du fauteuil, se tournait