Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Trente-huit centimes… oui… oui… on m’a dit ça. Mais, j’vas vous expliquer… Mon essence, je la prends chez Théodore… de Montbiron, qui la prend chez Émile… de Cortoise… Bon… Émile, lui, la prend chez Fouillard, de Maisons-Laffilte, qui la prend chez Tricot, de Neuilly… qui la prend à l’usine…

— Eh bien… pourquoi ne la prenez-vous pas directement à l’usine ?

— À l’usine ? crie Jaulin qui secoue la tête et proteste…

— Eh bien ?

— Ça se peut pas… J’vas vous expliquer… Théodore est mon beau-frère. Émile est cousin de Fouillard… Fouillard a épousé la fille de Léon Papit… et Tricot est un enfant du pays… Ça s’arrange bien comme ça… Et il faut qu’ils gagnent, tous ces gens-là… voyons ! Et puis, c’est de la riche essence, vous savez ! Y a pas meilleur, quoi !… Et en me prévenant un mois, un bon mois à l’avance… à cause du port… Voyez-vous, c’est le transport qui nous gruge. Nous n’avons pas de chemin de fer ici…

— C’est très malheureux…

— Oh ! vous savez… Y a du pour et du contre…

À ce moment, la voiture de Vincent Péqueux, dit La Queue, revenant de la gare de Cortoise s’arrête devant le cabaret…