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retombaient, comme d’une jardinière, des capucines et des pélargoniums, dont les longues pousses avivaient le feuillage de couleurs éclatantes. Au bas du jardin, la Viorne roulait sur des cailloux bronzés, ses eaux claires, peu profondes entre les bords surélevés, couverts d’iris et de grands inulas dont les capitules jaunes se mêlaient aux hampes des sagittaires de la Chine. Un peu au delà de la Viorne, sur la pente du coteau, le village de Sazy étageait ses maisons rustiques, qu’entouraient de charmants vergers.

C’est dans cette jolie maison que Legrel travaillait le mieux : travail incessant, coupé quelquefois de courtes promenades dans le jardin et plus rarement, quand elles étaient indispensables à ses recherches, d’excursions botaniques et zoologiques dans les environs. Il sortait peu de son enclos. Le soir, après le dîner, il se délassait de ses préoccupations, de ses fatigues, de « ses luttes » parmi les douceurs de la vie de famille et, comme il y avait souvent du monde à la maison, parmi les joies de l’amitié. En ces moments de détente, d’étirement spirituel, il était très gai, très enfant, aussi enfant que sa fille Irène. Il s’amusait à des choses puériles, aux petits événements de la contrée, où il ne connaissait personne, aux vicissitudes des récoltes, à la vache qui avait vêlé, aux poules d’un voisin