Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/251

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rait par m’affoler… Non, non… plus jamais… plus jamais…

Heureusement je ne tardais pas à me rassurer, me disant que, en dépit de son génie scientifique, en dépit de la grandeur morale de son esprit, Legrel avait, de son éducation première, gardé en littérature, en art, une sorte de goût vraiment trop glacé de rigidité scolastique et tous ces préjugés universitaires qui sont la négation de ce que j’aime. Je me rassurais surtout en me souvenant de certains jugements assez étonnants, qu’il portait sur Rousseau, Stendhal, Tolstoï, Flaubert, Thomas Hardy, sur tous les maîtres que je chéris et envers qui il ne professait qu’une estime médiocre, pour ne pas dire moins…

— Tout cela est pathologique… grimaçait-il, sans jamais illustrer, d’un exemple, d’une critique développée, d’un commentaire quelconque, cette opinion sommaire.

Mais je crois bien qu’il ne les avait pas lus, qu’il n’avait jamais rien lu qui ne concernât point l’histoire musculaire de l’araignée.

Il n’avait lu que M. Faguet, il n’aimait que M. Faguet « pour sa vision nette des êtres et des choses » et « pour sa forte santé morale ». Mais il l’aimait en bloc, se gardant bien d’expliquer le pourquoi de cette préférence et en quoi la vision