Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/252

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de cet écrivain honorable et très répandu était si nette et si forte sa santé morale. Il disait aussi de M. Paul Bourget qu’il avait « une certaine culture scientifique » et que sa frivolité mondaine s’en trouvait parfois ennoblie. Il disait encore bien d’autres choses.

Au fond, ce grand spécialiste, cet observateur si aigu de la vie de l’araignée, ce chercheur de muscles inédits se trompait du tout au tout, du moins s’illusionnait, comme un poète, sur la vie en général et sur les hommes en particulier. Legrel n’était pas un artiste au sens où nous entendons ce mot ; ce n’était pas non plus un penseur ; c’était un savant. Et peut-être — j’admire que je puisse émettre aujourd’hui cette supposition sacrilège sans en être troublé — n’avait-il du savant que la puérilité souvent comique et la candeur bouffonne. Ne les comprenant pas, il méprisait toutes les œuvres d’imagination et de sensibilité, celles qui n’ont pas, pour s’étayer, le support direct, visible, grossièrement affecté et rugueux de la science.

J’essaie en ce moment de me rappeler ses conversations sur la littérature, l’art et sur la vie, je cherche une idée forte ou curieuse, un point de vue original, l’élan d’une intelligence, la preuve d’une personnalité, enfin quelque chose… une impression, une sensation tirée de