Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/284

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en deux, la bouche ronde, les sourcils remontés jusqu’au haut du front, les paumes à plat sur ses cuisses tremblantes, il ne pouvait détacher ses regards de ces œufs qui l’affolaient et dont il n’eût voulu manger pour rien au monde. Et il gémissait :

— C’est le diable, monsieur… Je vous jure que c’est le diable !… Ah ! qu’est-ce qui va encore arriver ?

En me retournant brusquement, je vis Dingo à vingt pas de nous. Il devait être là depuis quelques minutes. Assis sur son derrière, bien tranquille, il nous regardait du coin de l’œil et il regardait les poules mortes, d’un air satisfait et en vérité ironique. Non seulement il ne semblait pas se douter du crime qu’il avait commis et le regretter, mais visiblement il en était fier. Qu’on me permette cette expression familière — la seule qui puisse peindre exactement son attitude — il rigolait. Cette bravade m’irrita au plus haut point. Est-ce que sincèrement elle m’irrita ? Je n’en suis pas très sûr.

En tout cas, pour sauvegarder la morale, je criai d’une voix molle :

— Misérable !… Ah ! misérable !

Puis je courus sur lui, brandissant un râteau qui se trouvait contre un arbre, à portée de ma main.