Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/312

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instincts. Et ils ne se trouvèrent plus d’accord qu’en ce qu’ils pouvaient comprendre d’eux-mêmes, qu’en ce qui leur était commun à l’un et à l’autre.

Je dois dire que, le pacte conclu, ils ne s’en aimèrent que mieux ; car leur amitié reposait désormais sur quelque chose de défini.

Les chats ont d’autres idées que les chiens sur la vie et ils exercent leurs facultés différentes, différemment. La témérité de Dingo, sa soudaineté d’entreprise, sa joie des découvertes, des aventures lointaines, même ce que son astuce avait toujours d’emporté, d’héroïque n’étaient point le fait de Miche. Elle ne pouvait pas admettre qu’on fût sans cesse en état de conquête et de violence.

Le chat est infiniment prudent, perpétuellement inquiet, réfléchi, calculateur, sédentaire. Au lieu de brusquer sa jouissance, il la prépare, l’entretient, la caresse, la file lentement, avec une véritable science d’amoureux ou d’artiste. Il n’a pas de souffle pour courir et se battre, rien que des nerfs pour sentir fortement et de l’imagination pour illimiter son champ d’action. Il opère, comme si c’était tout l’univers, dans un espace restreint, tout près de sa maison. Il est patient, comme ceux qui ont beaucoup médité, il est paresseux aussi, c’est-à-dire qu’il peut vivre en lui-même, sur lui-