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même, des jours et des jours et, pelotonné sur un coussin ou sur une table, immobile comme un bibelot de bronze, rêver des rêves merveilleux que nous ne connaissons pas.

Miche n’avait encore exploré que les alentours immédiats de l’habitation, les petites touffes d’arbustes fleuris, les massifs de fusains, d’aucubas, où il ne se passe que peu de drames et des drames ordinaires. Elle se plaisait surtout aux dessous plus impressionnants des épicéas, qui, à eux seuls, lui représentaient toute la forêt et dont les aiguilles tombées font sur le sol abrité, de beaux tapis fauves et moelleux. Pas d’autre grand événement qu’un mulot surpris çà et là, qu’un petit rouge-gorge qui, un matin, avait exercé, amusé ses jeunes griffes.

Elle n’avait pas non plus osé se risquer jusque dans l’intérieur du potager. Pourtant ses vieux murs, pleins de trous moussus, d’antres secrets, la brousse des pois, les guirlandes entrelacées des haricots, les arroches pourprées, splendides et droites comme des futaies au soleil couchant, tout cela devait renfermer tant de vies pullulantes et désirables. Mais la présence d’hommes barbus, dont elle n’avait point l’habitude et puis les rangées de cloches éclaboussées de soleil, les châssis, les serres, les outils en mouvement, les gestes violents des jardiniers, les gerbes d’eau