Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/314

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retombant sur les plantes lui faisaient peur. Elle venait quelquefois considérer ce spectacle à la fois terrible et tentant, du haut d’un pan de mur, bien dissimulée dans l’ombre d’une chélidoine. Si son imagination l’attirait là, sa prudence lui conseillait de ne pas sauter le mur, de ne pas s’aventurer à travers ces merveilles, avant d’avoir reconnu ce qu’elle pouvait en tirer d’avantages précis, ce qu’elle pouvait aussi en craindre de dangers certains. Pourtant elle avait vu à plusieurs reprises un chat gris et noir, le chat du voisin, à l’affût sous les asperges ou bien glisser dans les rayons des planches. Et elle n’avait pu s’empêcher de remarquer qu’il était très gras.

Le jour qu’il fut convenu que Dingo commencerait l’instruction pratique de Miche, celle-ci insista — vous sentez bien que ce n’est là qu’une supposition d’ailleurs plausible — pour qu’il la menât d’abord au potager. Dingo s’y refusa. Il détestait le jardinier qui ne lui pardonnait pas le meurtre de ses lapins blancs et qui toujours l’avait durement chassé du jardin. Dingo ne s’en était pas ému ; car, avec son esprit clair, il s’était rendu compte immédiatement qu’il n’y avait rien à faire pour lui dans ce jardin ; il l’abandonnait généreusement à la goinfrerie des moineaux et des merles. Au contraire, Miche pensait qu’il y avait beaucoup à faire pour elle.