Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/32

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Van-Diémen. Dans l’Australie proprement dite, elle va diminuant d’année en année. Les colons, qui ont presque entièrement ravagé ces incomparables forêts d’eucalyptus, uniques dans le monde, et, poussés par une folie sauvage de destruction, détruit cette innocente curiosité botanique : le cappari, arbre paradoxal, rigolo, comme vous dites, je crois, en français, d’où coule, des blessures qu’on fait à son écorce, une espèce de gomme qui ressemble au macaroni et en a le goût…, ces affreux colons mènent contre les dingos une guerre exterminatrice, la même que les Yankees firent aux Peaux-Rouges. Il faut regretter que, dans notre siècle, la beauté cède partout le pas à l’utilitarisme imbécile et passager et qu’un des plus intéressants exemplaires de la zoologie soit menacé de disparaître, pour permettre à de gros hommes ignorants, sans délicatesse, de frigorifier encore plus de moutons et de conserver dans des boîtes en fer-blanc de plus innombrables culottes de bœuf. En vérité, je ne sais pas où les savants, disons les hardis pionniers de la science, pourront aller désormais, sur un globe dépeuplé de sa faune et rasé de sa flore, surprendre les mystères de la vie. Tenez, supposons un instant que les dingos eussent été complètement détruits, quand je vins en Australie… Eh bien, la science serait peut-être à jamais privée de cette découverte ;