Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/33

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l’origine du tableau de chasse, dont j’aime à croire que vous comprenez toutes les conséquences, malgré le silence intéressé qui se fait autour d’elle… Quant aux dingos, dans quelques années nous ne les retrouverons plus que dans les jardins d’acclimatation, où ils perdent très vite de leur magnificence originelle, où s’appauvrissent, s’étiolent, jusqu’à s’effacer totalement, les caractères spécifiques d’une race qui n’avait pas dit son dernier mot et qui n’était point au bout de son histoire. Alors les dingos redeviendront des chiens comme tous les chiens domestiques. Quelle pitié ! Imaginez leur navrement… Imaginez le mien, si un beau matin je me réveillais dans un arbre, le corps entièrement velu, avec quatre pattes et une queue prenante, en train d’éplucher une orange ou de grignoter une noix… Infortunés dingos !… À travers des grillages, dans des niches ou sur de mornes pelouses désherbées, nous les verrons, dépouillés de leurs belles formes et de leur fière allure, avec des oreilles cassées et des queues amoindries, malades, galeux, stériles, déchus jusqu’au jour prochain où nous ne les verrons plus du tout. Ces choses-là me font toujours un peu pleurer. Croyez-vous que, parfois, je m’attendris sur la disparition du plésiosaure, et que — je vais vous paraître un peu trop sentimental, excusez-moi — je regrette, comme un ami qui a mal tourné,