Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/36

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pressés. En une minute de caresses et de causerie familière, — venant de l’Alaska, il comprenait fort bien l’anglais, naturellement, — nous devînmes aussitôt les meilleurs amis du monde. Je n’en avais pas moins apporté, par prudence, une forte chaîne et un solide collier que cet animal libre se laissa mettre au cou très docilement. Je n’étais pas fâché de lui faire au débotté les honneurs de la capitale ; je voulais surtout, dès le début, l’intimider par notre organisation policière. Nous rentrâmes à pied, flânant dans les rues, dans les squares, dans les parcs, comme deux paisibles bourgeois. J’étais ravi du chien et le chien paraissait ravi de moi. J’admirai son caractère calme, souple et gai et la force spontanée de ses facultés d’assimilation. Rien ne l’étonnait. N’ayant pourtant jamais connu que les lacs gelés, les solitudes rocheuses et forestières couvertes de neige, nullement emprunté, il se montrait bien moins surpris qu’un paysan du Yorkshire, au spectacle si brillant, si bruyant, si nouveau qu’il avait sous les yeux. Un régiment de highlanders passa et ne l’effaroucha point. Dans un square où une grande foule s’était assemblée, il entendit une très vieille femme, hissée sur un banc, qui prêchait à des eunuques du Soudan l’excellence des doctrines malthusiennes, et ne s’émut pas davantage. À