Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/360

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Un jour d’hiver, humide et froid, il avait eu un irrésistible besoin d’espace. Il partait dans une fuite violente et s’engageait dans les rues transversales. Je finis par le perdre. C’était dans le quartier du Champ-de-Mars. Je le cherchai longtemps. Je prévins le commissaire de police et vers le soir je rentrai chez moi éreinté, triste, comme si un ami m’avait abandonné. J’espérais un peu, connaissant son sens merveilleux de la direction, le retrouver à la maison. Il n’y était pas. Et le lendemain se passa sans qu’il revînt.

Le surlendemain, je reçus une lettre signée Lina Lauréal, de l’Odéon… naturellement. J’y apprenais que Dingo l’avait suivie dans la rue et n’avait pas voulu la quitter, comme elle rentrait chez elle. S’excusant de ne pouvoir le ramener elle-même, elle m’invitait à venir le reprendre.

Je me méfiais un peu. Lina Lauréal… ? Bien que de l’Odéon, était-ce une chanteuse de beuglant ? Ou bien une petite grue espérant que le maître d’un si beau chien serait un client généreux ? Enfin, j’allai à l’adresse que la lettre indiquait : rue Clauzel. Je me demandais en chemin comment Dingo avait pu du Champ-de-Mars gagner cette rue de Montmartre…

C’était une de ces maisons dont chaque étage est sous-loué en garni. Dès la porte franchie, on sent le bois moisi, la crasse et l’humidité gluante,