Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/403

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Et dans un an le métro passera devant… Le métro… On revendrait le prix qu’on voudrait…

Mais le plus souvent, il s’agissait d’un tableau ancien.

— Ancien… j’n’t… dis qu’ça… Chez la veuve d’un capitaine en retraite… Elle le donnerait pour mille francs.

D’une pesée sur mon épaule, Barque, sans un mot, m’avait fait asseoir sur la chaise à côté de la sienne. Dingo s’installa près de moi.

— Et que fais-tu maintenant ? demandai-je.

Avec orgueil, il me répondit :

— Je suis peintre…

— Allons donc !

Il eut des airs de doux reproche, des regards amicalement étonnés.

— Tu ne sais donc pas, fit-il en se rengorgeant, que j’ai obtenu cette année au salon une troisième médaille ! Voyons… Voyons… c’était dans tous les journaux…

Je m’excusai, comme je pus, maladroitement, du reste. Et sentant que je l’avais peiné en ignorant sa gloire nouvelle, je m’écriai enthousiaste :

— Oh ! ce vieux zèbre… Est-il assez épatant !

— Ce vieux zèbre !… répéta, la figure tout épanouie, mon ami Pierre Barque, qui se mit à me tapoter les genoux, geste par où s’exprimait le meilleur et le plus tendre de son émotion.