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en lui le plus secourable attendrissement. Il s’attendrit sur la maladie de ma femme, sur la fidélité de Dingo, sur ma solitude. Il s’attendrit… Je m’attendris. Il avait ce visage sans larmes, mais prêt aux larmes, qui est le signe même de la pitié qui se contient.

Je l’avoue, je m’étais parfois demandé si la sensibilité de Dalant n’était pas simplement littéraire. Mais j’avais écarté ce doute comme un fidèle écarte une pensée diabolique. J’avais aussi remarqué l’indifférence que Dingo témoignait à Dalant. Mais j’accusais Dingo de manquer de finesse et de ne pas comprendre la sensibilité plus qu’humaine de mon ami Dalant.

Il passa toute la journée avec moi. Il mit, à me consoler, une sorte de génie inventif et appliqué. Pour trouver des consolations nouvelles, il allait jusqu’à imaginer des malheurs nouveaux, des complications au besoin mortelles. Il y montra, d’ailleurs, le tact le plus subtil. Il procédait par enveloppements et tout à coup il attaquait, ferme et net, de toute sa pitié, comme un escrimeur qui se fend.

Pour la première fois, j’eus le sentiment de sa férocité. Il était tendre comme les commères sont bavardes, comme certaines gens vous rendent des services, simplement pour connaître vos malheurs et vous humilier. Il était venu pour éva-