Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/77

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Ponteilles que des cultivateurs de la terre, population inquiète, sournoise, hargneuse et blême, sur qui pèse, depuis d’immémorables années, un sinistre héritage de déchéance alcoolique et de tuberculose. Les visages creusés, où sur les pommettes fleurissent les fleurs pourprées, les fleurs rosâtres de la pourriture ou de la mort ; les dos hottus, les ossatures rongées par la nécrose n’y sont pas exceptionnels. Si vous traversez le village l’après-midi, vous entendez toujours derrière les portes des poitrines haleter et siffler, des toux déchirantes. En semaine, Ponteilles semble inhabité. Dans la journée, on n’y rencontre — car hommes, femmes, bêtes et enfants travaillent aux champs — que quelques commerçantes, si l’on peut dire, qui ont l’air d’être toujours en faillite ou en grève, deux ou trois ouvriers du bois, du fer, de la pierre, désœuvrés et seuls, allant au cabaret ou bien en revenant. On y voit surtout des poules, des troupes d’oies et de dindons, des cochons et deux très vieux chiens sourds, presque aveugles, dévorés de gales rouges, qui, pour n’être pas à la charge de leurs maîtres, s’en vont quêter leur vie aux ordures abondantes de la rue.

Régulièrement, sur le coup de deux heures, le maire, M. Théophile Lagniaud, sort de chez lui.

Vous saurez tout de suite que M. le maire est un bon radical. Je veux dire qu’il n’admet que les