Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/80

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Cortoise jusqu’au kilomètre 18, d’où il découvre la plaine chargée de moissons. Et il se dit :

— Quel beau pays ! Quel riche pays ! Comme le blé est fort cette année ! Comme l’épi en est lourd et serré ! Et pas une avoine de roulée ! C’est magnifique… Et la betterave qui s’annonce si bien ! Jamais, je crois, je n’ai vu le regain aussi dru depuis les temps les plus prospères de l’Empire. Allons… Allons ! je suis un bon maire.

Les jambes écartées, les deux mains posées sur la béquille de sa canne, il continue de rêver.

— Quel beau pays !… Ah ! il nous faudrait peut-être un chemin de fer. Ah ! si nous avions un chemin de fer ! un tout petit chemin de fer ! Mais ils n’en veulent pas à Ponteilles. Et, réflexion faite, moi non plus, je n’en veux pas. C’est-à-dire je ne sais pas encore si j’en veux ou si je n’en veux pas. En réalité, je ne veux que ce que veut la majorité… et ce qu’elle ne veut pas je n’en veux pas, bien entendu. Je veux être tranquille… Pas d’histoires ! voilà ce que je veux… Évidemment un chemin de fer, ce serait des embêtements pour moi… un surcroît de responsabilité. Cela amènerait des étrangers, des Parisiens… On ne serait plus chez soi… Et, peut-être, construirait-on des usines… des usines, grand Dieu ! de sales usines, par conséquent des grèves… des gen-