Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/312

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— Il est mort ! répondis-je.

— Ah ! bien, alors… c’est au cimetière…

Et tous, de rire…

Un monsieur très bien, et, sûrement, d’une culture supérieure, absolument muet sur Descartes, d’ailleurs, nous engagea fort d’aller, à quelques kilomètres, visiter la maison où vécut Spinosa.

Il expliqua :

— Spinosa… mon Dieu !… c’était un philosophe… un philosophe fameux. Il est mort… Évidemment, il est mort… comme tout le monde… Mais, ça ne fait rien… On a fait de sa maison… un musée… un musée très curieux… Vous y verrez de vieilles savates, en feutre…, des savates portées par lui… et des verres de lunettes… car il était aussi opticien… des verres de lunettes polis par lui… C’est amusant… c’est même très intéressant… Et puis, beaucoup d’autres choses… Spinosa… la maison Spinosa… Vous vous rappellerez ?…

Redoutant les aventures, connaissant le genre d’émotion que procurent les vieilles savates des grands hommes, un peu las de musées et pressés d’arriver à Haarlem, où Franz Hals nous attendait, et où nous devions visiter un établissement d’horticulture, nous reprîmes la grande route…

Je songeais à Descartes, au mouvement de ses pensées qu’aucun importun ne devait troubler, en ces contrées paisibles. Je songeais à ses méditations sur les bêtes et à la peine avec laquelle La Fontaine acceptait sa théorie du mécanisme animal… Qui fut pour elles plus sévère ? Le savant qui leur refusait rigoureusement l’intelligence, même la sensibilité, ou le plus charmant de nos poètes que leur spectacle émerveilla, mais qui ne leur fit parler que la langue de nos vices et de notre sottise ?