Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/319

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appellent des « oies Cravant ». Rien, dans leur taille, leur forme, leur plumage, n’indique aux profanes que les bernaches soient des oies. Les deux siamoises, qui n’en avaient pourtant jamais vu, ne s’y trompèrent point. Elles les accueillirent aussitôt, avec un vif empressement, comme des personnes qu’elles reconnurent pour être de leur famille, les installèrent, les mirent au fait de toutes choses. Et, depuis, elles ne se quittèrent plus…

Sur la route – j’en appelle au témoignage de tous les chauffeurs – quand passe une auto, immanquablement, les oies s’écartent sans désordre, sans le moindre signe de terreur. Elles s’alignent, l’une près de l’autre, sur le bord de la berge, et, fâchées, un peu, très dignes encore que boiteuses, elles disent leur fait à ces importuns qui les dérangent mais ne les ont pas « épatées ».

Je n’ai jamais pu passer, en auto, devant une troupe d’oies, sans me sentir gêné, humilié, par leurs moqueries. Elles m’intimident, car, à leur voix sifflante, je comprends très bien que ce sont des moqueries qu’elles m’adressent, non des grossièretés. Les oies ne sont jamais grossières. On néglige les grossièretés ; seule l’ironie est pénible.

Mais que disent les oies, quand je passe ?…



J’ai parlé avec attendrissement des jeunes cochons, si jolis… Notons ceci, loyalement, sur les vieux porcs…

On ne connaît pas bien les vieux porcs. Ces animaux, qui, au rebours de ce que l’on pense généralement, ont un goût très vif de la propreté et ne se vautrent dans les