Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/321

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par celui que, deux ou trois fois, je rencontrai, dans la forêt de Saint-Germain, ils semblent absolument indifférents à l’automobile. Conduit par un chamelier du Pecq, pelé, galeux et triste comme tous les fatalistes, il allait de son grand pas allongé et mou. Un jour, il transportait, à Poissy, un lit, une armoire, des matelas ; un autre jour, à Maisons-Laffitte, qui est une colonie moins pénitentiaire, un piano et deux fauteuils Louis XVI… C’était, si j’ose dire, un chameau déménageur… Quand il croisa l’automobile, il ne la regarda même pas… Mais, fait singulier, le piano secoué résonna, et il me sembla qu’il jouait, tout naturellement, une valse de M. Gounod…

Je n’en tirai, d’ailleurs, aucune conséquence sur l’infériorité esthétique du chameau…



Il paraît – c’est notre charmant Capus qui l’affirme – qu’on peut forcer des lièvres en auto, mais seulement de nuit. Une fois pris dans les rais du phare, il ne leur vient même pas à l’idée qu’ils puissent en sortir. Ils courent, droit, devant le moteur, jusqu’à ce qu’on les prenne, sans tenter, un seul instant, de rentrer dans l’obscurité des champs et des bois. Encore un joli thème à développer sur l’éblouissement que donnent aux littérateurs les succès éphémères, et qui les mène à la catastrophe…

Mais j’imagine que Capus a dû faire des chasses dans le Midi, qui est la route du Blésois, ou dans le Blésois, qui est la route du Midi…

En Allemagne, la nuit, traversant des bois, j’ai souvent rencontré des lapins, des foules énormes de lapins, et jamais je n’en ai capturé ni écrasé. Ils étaient charmants –