Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/380

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la faisant se ruer, vertigineusement, à toutes les conquêtes économiques. Pour que l’Allemagne fût, comme je vous l’ai dit, la première de sa classe, il l’a forcée à produire, produire sans cesse, produire encore, produire toujours. Les produits s’entassent dans les magasins, engorgent docks et greniers, s’écoulent difficilement… Il en reste des stocks énormes… Je ne vous raconterai point la désastreuse affaire de ce que nous appelons : les Aciers russes… Elle est trop connue… Voici un exemple plus humble, mais également caractéristique. Jaloux du succès mondial de vos vins de Bordeaux, de Bourgogne, de Champagne, vous savez avec quelle furia Guillaume a poussé nos propriétaires terriens et nos paysans à la culture de la vigne. Il l’a protégée de toutes les manières et dans tous les pays… Il s’est même fait placeur en vins, courtier, agent de publicité, restaurateur… À Paris, en 1900, dans ce fameux restaurant allemand, c’était, on peut dire, l’Empereur lui-même qui – encore un uniforme ! – une serviette sous le bras, le tablier de lustrine noire aux cuisses, venait vous offrir la carte de ses vins… Vous avez sûrement admiré ces immenses coteaux qui, tout le long du cours sinueux de la Moselle, étagent leurs magnifiques vignobles, et, devant ce spectacle impressionnant, vous vous êtes écrié : « Voilà de quoi saouler toute l’Allemagne et aussi tout l’univers ! » Le malheur est que la mévente, qui sévit chez vous, sévit aussi chez nous… Et le vin emplit nos chais encombrés. Les propriétaires s’inquiètent, les paysans se lamentent. L’Empereur a beau prendre des mesures tyranniques, comme, par exemple, de restreindre, dans certains restaurants, le débit de la bière, prohiber complètement les vins français dans les mess d’officiers, rien n’y fait… Notre situation économique