Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/381

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se traduit donc par ce mot : surproduction. En vain, Guillaume parcourt les mers sur son cuirassé, comme autrefois votre Mangin parcourait, dans sa roulotte, tous les villages de France ; en vain, débite-t-il les plus extraordinaires boniments, multiplie-t-il les démonstrations les plus théâtrales et, quelquefois, les pires menaces, pour attirer les chalands et placer ses produits, la surproduction augmente, et nous en serons bientôt réduits à cette douloureuse alternative : ou bien arrêter la production, et c’est la ruine ; ou bien la continuer, et c’est la ruine encore… Remarquez que nos banques sont engagées dans ces affaires jusqu’à la garde ; que nous ne sommes pas, comme vous, un peuple de timides gagne-petit, un peuple d’épargne avaricieuse, que nous jouissons largement de la vie, dépensons ce que nous gagnons… Par conséquent, nous ne pourrons amortir, avec des sacs d’écus économisés, la lourdeur d’une crise financière… À moins…

Et ici, von B… me regarda en souriant drôlement…

— À moins que la France, la généreuse France, comme en ces dernières années, veuille bien venir encore à notre secours et rétablir, pour un temps, l’équilibre ébranlé de nos finances…

S’interrompant brusquement, il me frappa sur l’épaule :

— Car vous êtes de bonnes poires… fit-il, en faisant sonner dans la salle déserte un large rire. Avouez que vous êtes de bonnes poires ?…

Je répliquai :

— Mais, mon cher, nous n’avons rien à gagner à un krach allemand… Nous avons tout à y perdre… Une Allemagne ruinée, ce serait un malheur universel… Laissez-moi vous dire ceci : Puisqu’il est bien entendu que nous ne sommes, nous autres Français, que des prêteurs