Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/384

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cour, un courtisan de marque, un ministre qui paraissait solide… Ce n’est pas la femme… presque jamais la femme qu’il faut chercher… Quant au haut commandement, il est médiocre, pour ne pas dire détestable. Il est aux mains de généraux de cour, gorgés d’honneurs et d’argent, que les pires intrigues, les plus sales marchandages, les plus laides débauches ont amenés à la fortune… Et encore, ces généraux, ce n’est rien… Songez à cette chose affolante : Guillaume, en cas de guerre, ne laissant à personne le soin de commander ses armées… Car il a aussi des plans de guerre, comme il a des plans de statues, de tableaux, d’opéras, des plans de tout…

Ici, von B… eut une expression de terreur comique. Il s’était tu un instant, mais pour mieux rassembler sa voix qui s’éraillait.

— Et alors, mon cher, cria-t-il, nous serions battus, par la Suisse… par la Suisse… je vous dis… par la Suisse !

Comme je riais d’un rire qui se refusait à accepter une telle prophétie :

— Par moins que la Suisse… insista-t-il… Vous ne le croyez pas ?… Mais pensez donc… Aux manœuvres, où tout est prévu, où la mise en scène est réglée d’avance, où l’Empereur doit toujours être victorieux, eh bien, ces mauvais généraux ont toutes les peines du monde à ne pas le battre. Ils suent sang et eau pour ne pas le cerner, même en plaine… J’ai assisté à quelques-unes de ces manœuvres… C’est d’une bouffonnerie !… Ah ! mon cher, j’ai là-dessus, les histoires les plus désopilantes… Par la Suisse, entendez-vous ?…

Une gorgée de vin le calma. Son visage reprit un air sérieux :

— Et puis, voyez-vous… aujourd’hui, il souffle un mauvais vent sur les Empereurs et sur les armées… Même chez