Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/386

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Je n’en tombai pas moins d’accord avec lui sur l’aveugle absurdité des hommes politiques.

— Sans doute, approuvai-je, les hommes politiques ne comprennent rien à ce que vous dites, et ils n’y comprendront jamais rien. Ils comprennent, pourtant, qu’ils sont intéressés à ce que continue cette effroyable gabegie militaire. Si les peuples en meurent, eux, ils en vivent… Alors ?

— Alors… allons nous coucher… et rêvons !… fit von B…, qui se leva pesamment, non sans avoir constaté que la bouteille était vide.

Il prit mon bras, dont il lui fallait l’appui, et, tout en marchant, il se remit à parler. Cet homme ne pouvait pas ne pas parler :

— Ils n’ont même pas l’air de se douter que le temps de la politique est fini… Vous savez qu’il y a des organes qui survivent aux fonctions qu’ils assuraient…

— Les survivances, oui…

— Tout le mal vient aujourd’hui de cette survivance des souverains et des hommes politiques… Je ne parle pas du Roi d’Angleterre… Mais… même notre Empereur n’est plus maître de conduire son peuple… Maximilien Harden a bien tort de lui reprocher d’aboyer tant pour mordre si peu… Vraiment, pensez-vous qu’il soit libre d’aller jusqu’au bout de ses projets ?… L’Empereur d’Autriche… oui, le vénérable Empereur d’Autriche… est moins souverain dans son empire que… que…

— Que son cousin de Monaco, sur son rocher à roulettes ?…

— Vous riez ?… Mais beaucoup moins… Le tsar de toutes les Russies n’a guère plus à dire que le prince de Bulgarie… Le mikado, lui-même… Sans aller si loin…