Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/389

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chancelier l’eut-il contée qu’il me parut, à une contraction de tous les plis de son masque, qu’il eût bien voulu, pourtant, la ravaler… Il n’était pas homme à regretter rien qu’il eût fait, même une sottise… Et, trop ennemi des mots inutiles, il ne me demanda même pas, après coup, le secret… Cependant, chaque fois que j’ai voulu la dire, j’ai revu, dans leurs poches plissées, ses yeux ardents, et je me suis tu… Elle m’échappe, ce soir, je le sens… Ma foi !… profitez-en…

Sa main étreignit mon genou :

— Vous ne savez pas quel a été, interrogea-t-il lentement… le premier acte d’autorité de Guillaume II ?…

Ce ne pouvait être pour attendre ma réponse qu’il s’était arrêté.

— En tout cas, vous savez avec quelle anxiété Guillaume – alors fils du prince héritier et si loin du trône où son grand-père se pétrifiait – épia les progrès de la maladie de son père, à San Remo ?… Vous vous rappelez sa fièvre parricide pendant les Cent jours du règne de notre Fritz, à Potsdam, où on avait ramené le cancéreux couronné ? Ah ! il y avait longtemps que Guillaume avait échappé à ses parents… Bismarck le leur avait pris… Un jeu, n’est-ce pas ? pour le vieux diplomate, chez qui l’énergie… farouche, se doublait de la plus belle astuce… Bismarck excitait, contre le couple impérial, l’ardeur impatiente du jeune homme… Depuis toujours, il haïssait férocement et redoutait celle qu’il appelait « l’Étrangère », et ses idées anglaises. Il haïssait également et ne redoutait pas moins le libéralisme, la loyauté de Frédéric III… Le plus beau, c’est qu’il ne pouvait prévoir les progrès que ferait, plus tard, dans l’imagination de son trop docile élève, l’appétit de toute-puissance qu’il s’appliquait à dérégler en lui… Pas un acte, pas un écrit, pas une parole du père que