Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/414

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aux dogmes du vieux romantisme de Schelling… Malgré nos savants, toute métaphysique n’est pas morte, chez nous… Quoiqu’on dise, croyez-moi, la vie nouvelle qu’apporta Nietzsche, n’a pas germé, partout, sur la terre allemande.

Puis, ce fut le tour de Renan, de Taine, de Zola, de Flaubert… de tous, et même – dégringolade ! – de M. Paul Bourget.

Elles étaient curieuses – comme d’un petit jeu de société, j’imagine – de savoir ce que je pensais de M. Paul Bourget… Est-ce que, vraiment, je pensais quelque chose de M. Paul Bourget ? Bah !

Je répondis :

— J’ai connu Bourget autrefois… Je l’ai beaucoup connu… Nous étions fort amis. Cela me gêne un peu, pour en parler… Et puis, il a pris par un chemin… moi par un autre… Mais il y a si longtemps de cela qu’il me semble bien qu’il est mort…

Je mis un temps, comme à la Comédie, et :

— C’était un garçon intelligent… déclarai-je, sur un ton d’oraison funèbre.

Elles se récrièrent… J’insistai bravement :

— Je vous assure… intelligent… très intelligent… Tenez, c’est peut-être Bourget qui a le mieux senti Balzac… qui en a le mieux parlé… Il était très jeune, alors… et charmant… Il avait une certaine générosité d’esprit… sauf que, déjà, il n’aimait pas les pauvres… Oh ! il avait les pauvres en horreur… Il ne les trouvait pas dignes de la littérature… ni de l’humanité… Étant plus jeune que moi, il me protégeait, m’éduquait, me tenait en garde contre ce qu’il appelait les emballements un peu trop naïfs, un peu trop grossiers aussi, de ma nature… Un jour que nous remontions les Champs-Élysées, il me dit : « Laissez donc les pauvres…