Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/427

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au sommet de toutes les cures d’air… Ces braves gens, un peu naïfs, un peu bruyants, un peu encombrants, emportent avec eux tout l’argent qu’ils ont chez eux… Soyez sûr qu’ils ne rentreront à la maison que lorsqu’ils auront usé jusqu’à leur dernier pfennig… Aussi les universités, les collèges, les pensions, qui connaissent ces mœurs-là, obligent-ils les pères de famille à payer, avant de partir, la future année scolaire de leurs enfants… Sans cela… cette fameuse instruction !…

Il se mit à rire.

— Eh bien, nous devenons, un peu, comme ça…

— En somme ? quoi ? interrogeai-je… vous n’êtes pas trop malheureux, sous le régime allemand ?

Il répondit simplement :

— Mon Dieu !… On vit tout de même… Quand on ne peut pas être soi… d’être ceci, ou bien cela… Turc, Lapon, ou Croate… allez… ça n’a pas une grande importance…

— Et la Lorraine ?

— Ça, c’est une autre histoire… Elle est restée française, jusque dans le tréfonds de l’âme… Sourires ou menaces, rien n’entame ce vieux sentiment, obstiné et profond… comme l’espérance…



Berlin-Sodome.


Comme nous allions quitter Strasbourg, pour parcourir l’Alsace, au moment même de nous installer dans l’auto, nous vîmes accourir, épanoui d’aise, toujours aussi peu soigné, fatiguant sa barbe et polissant son front, mon ami Albert D… Il paraissait essoufflé mais ravi de la rencontre. Il promenait en Allemagne ce vête-