Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/506

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il en a fait don au musée de Francfort, qui les a refusées…

— Oui, monsieur, refusées… Ce sont des ânes !…

Il consent à me les céder pour pas très cher… pour presque rien…

— De si belles inscriptions !… Syriaques, qui sait ?… ou, peut-être, persanes ?… Pour quelques marks !…

Mais je refuse, moi aussi… Le docteur n’insiste pas davantage, hausse les épaules, et :

— Bêtise !… fait-il simplement… Bêtise !

Il connaît beaucoup le Maroc, pour avoir placé à Tanger, et même, à Fez, assure-t-il, un lot important de machines à coudre et à écrire… « pas puniques, pas phéniciennes… non… allemandes, monsieur… Ah ! ah ! ah !… De la bonne fabrication allemande !… » Il s’écrie :

— Très beau, le Maroc !… Un pays, très beau… Et les Marocains, de très braves gens, monsieur… de si excellentes gens !… Ah ! les braves gens !…

Nous parlons de la toute récente frasque de l’empereur Guillaume, son débarquement à Tanger… Le docteur dit :

— À quoi bon faire des choses si inutiles ?… Toutes ces démonstrations bruyantes… théâtrales… Ah ! je n’aime pas ça… Oui… je sais, l’honneur national ?… Mais l’honneur national, monsieur, c’est le commerce… Et le commerce allemand va très bien au Maroc… Il va très bien, très bien… parce que nous avons, au Maroc, des agents admirables… admirables… oui, monsieur… les meilleurs agents du monde… les Français !…

Un rire agite, dans tous les sens, tous les longs poils de sa barbe… Et il reprend sur un ton où l’ironie est restée…