Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/144

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n’y a plus guère que le brave père Lerible pour s’en indigner… Et encore, vous voyez, il s’y fait… Il s’y fait d’autant mieux qu’il s’imagine que je veux coucher avec Victoire… Ah ! ah !… Ici, quand la mère meurt, la fille la remplace aussitôt dans le lit du père… comme dans les travaux du ménage… C’est économique, et il n’y a rien de changé dans la maison… La vie continue sans scandale, sans incidents, sans remords… paisiblement… naturellement… La plupart du temps, j’ai remarqué que ce sont d’excellentes unions… Et les enfants qui en naissent ne sont pas plus idiots que les autres… Ils le sont autant…

Il me conta en détail l’histoire très édifiante d’un petit cousin à lui, le comte de Chalenge, sportsman célèbre, qui vivait publiquement avec sa propre sœur…

— Eh bien, ils sont très heureux… très gais… très gentils… très respectés… Pas le moindre drame, jamais… vous les verrez, car vous êtes appelé à les rencontrer à Paris… Ils sont charmants… après tout, on ne sait pas !…

Afin de provoquer une de ces réponses, dont j’aimais le pittoresque et l’imprévu, et qui me renseignaient chaque fois davantage sur l’âme secrète de cet homme, j’opposai la morale religieuse comme le seul remède possible à cette pratique bestiale et simpliste :

— Mais, mon cher, répliqua le marquis, la