Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/150

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la contagion de leur impopularité… Au besoin, il ne dédaignait pas leur jouer des tours pendables dont ils n’osaient pas lui garder rancune et qui faisaient la joie des paysans…

Il était pour les paysans… Il était pour le peuple… Il était pour la blouse, pour la belle blouse de France !… Voilà !

Je m’ingéniais à me bien pénétrer des leçons toujours justes, des renseignements toujours clairs et exacts qu’il me donnait, car il n’aimait pas à redire deux fois la même chose. Intelligence vive et lucide, il exigeait de ceux qui le servaient qu’ils fussent prompts à comprendre et même, au besoin, à deviner sur un clin d’œil sa pensée.

Le lendemain de notre promenade à Monteville-sur-Ornette, je fus bien étonné en le voyant entrer, de bon matin, dans le cabinet, vêtu d’une longue blouse bleue. Un superbe gilet de peau de vache, un pantalon gris clair, collant, serré au cou-de-pied, une casquette de soie haut pontée, un foulard rouge autour du cou complétaient ce déguisement. Et il traînait sur le tapis un fort bâton, un bâton noueux de cornouiller que maintenait à son poignet une tresse de cuir. Au premier abord, véritablement, je ne le reconnus pas. Riant de ma surprise, il me dit :

— Mais oui !… C’est moi !… Je vous