Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/154

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maître Houzeaux en frappant un grand coup de poing sur la table, et dont l’appendice nasal passait du violet au noir.

— Fiche-moi la paix !… commanda le marquis… C’est moi qui régale… Mes amis, à la blouse de France !

Il me dit plus tard :

— Comprenez bien que, pour un paletot que je perds, c’est vingt blouses que je gagne !

Pendant que nous roulions de la sorte sur les routes et nous attablions, dans les cabarets, pour la plus grande gloire de la blouse de France, les événements politiques se précipitaient… La crise annoncée éclatait. Les journaux, maintenant, en étaient pleins. Cette fois je suivais passionnément leurs polémiques, fier de voir se vérifier les prophéties du marquis, et comme si j’eusse été vraiment pour quelque chose dans ce mouvement révolutionnaire qui soulevait la France et pouvait la mener aux abîmes. Le marquis recevait une correspondance nombreuse à ce propos. Parfois il m’en communiquait des nouvelles vagues ; le plus souvent il ne m’en soufflait mot. De qui venaient ces lettres ?… Je l’ignorais, et lui seul y répondait.

Un soir, de fort bonne humeur, et le baron Grabbe, un voisin de campagne, étant venu dîner au château, il voulut bien se décider à parler avec plus de détails.

Le baron Grabbe était un personnage micro-