Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/162

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quelles recommandations, et que son entregent, habile aux métamorphoses et aux complaisances de toutes sortes, avait captées. De toutes ces photographies, il confectionnait des albums qu’il vendait ensuite aux intéressés et aux personnes pieuses, désireuses de posséder de si respectables collections. Il en trouvait beaucoup. Du reste, mêlant agréablement les genres, il ne faisait pas que ces albums ; il en faisait d’autres en vue d’une autre clientèle, plus profane, des albums outrageusement obscènes, et, pour en aviver l’intérêt, pour leur prêter un semblant de piquante réalité, il se servait des têtes des prélats les plus connus à qui il donnait ainsi des rôles mouvementés et scabreux dans des scènes d’une intimité excessive et compliquée. Allant d’évêchés en évêchés, de séminaires en séminaires, le matin à la messe, le soir à la maison publique, bien reçu partout, bien traité, bien payé, souvent logé et nourri, il vivait le plus confortablement, le plus honorablement du monde… Peut-être eût-il amassé une petite fortune, s’il n’avait été brusquement entravé dans son essor commercial et artistique par une plainte fâcheuse portée contre lui. Après enquête, la plainte n’eut pas de suites judiciaires, ce qu’on expliqua en disant qu’Alcide Tourneroche était de la police ; mais le scandale avait été ébruité, et, désormais, séminaires et évêchés lui fermèrent prudemment