Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/213

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qu'aux dépens d'un peu de honte, je rende au moins quelque honneur à ses bienfaits.

Échappé aux mains cruelles des moines, recueilli et réchauffé par un bon samaritain, il se vit un moment à la porte de la fortune et des honneurs. Il fut attaché à la légation de France à Venise, et il fit, pendant l'absence de l'ambassadeur, les fonctions de secrétaire d'ambassade. L'ambassadeur, qui-était fort avare, voulut partager avec lui l'argent que la cour de France passe dans ces circonstances, en gratifications, aux secrétaires. Pour l'engager à faire ce sacrifice, l'ambassadeur lui disait : Vous n'avez point de dépense à faire, point de maison à soutenir; pour moi, je suis obligé de raccommoder mes bas. Et moi aussi, dit Rousseau ; mais quand je les raccommode, il faut bien que je paye quelqu'un pour faire vos dépêches. J'observai à cette occasion que tous les ambitieux finissaient par être avares, que l'avarice même n'était qu'une ambition passive, et que ces deux passions sont également dures, cruelles et injustes. Le caractère de cet ambassadeur était bien connu aux affaires