Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/238

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que depuis que je l'ai quittée ; il y a dix ans que je n'ai rien écrit.

J'en avais ouï dire autant de Racine. Voilà trois hommes comblés de réputation, et trois malheureux. Le sort d'un homme de lettres est donc bien à plaindre en France !

Pourquoi, lui disais-je encore, n'avez-vous pas, au moins, vendu vos manuscrits plus cher ? Il me fit alors le détail du prix qu'il en avait reçu, que j'ai oublié en partie. Il en avait tiré tout ce qu'il en pouvait tirer. L'Émile avait été vendu sept mille livres ; les libraires s'excusaient sur les contrefaçons.

Mais, reprenais-je, ne contrefont-ils point à leur tour les ouvrages de leurs confrères? Que résulte-t-il de leurs sophismes ? C'est que le corps des auteurs ne tire presque rien de ses travaux, tandis que le corps des libraires en recueille presque tout le bénéfice. Quand on attaque les abus des particuliers qui tiennent à un corps, il faut attaquer les membres et le corps à-la-fois, sans quoi les premiers se couvrent du crédit de leur corps, et le corps rejette sur ses membres