Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/288

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Tous deux cependant se sont quelquefois égarés , mais par des routes bien différentes. Dans Voltaire, c'est l'esprit qui fait tort à l'homme de génie ; dans Jean-Jacques , c'est le génie qui nuit à l'homme d'esprit. Un des plus grands écarts qu'on ait reprochés à celui-ci, c'est le mal qu'il a dit des lettres ; mais par l'usage sublime auquel il les a consacrées en inspirant la vertu et les bonnes mœurs, il est à lui-même le plus fort argument qu'on puisse lui opposer. L'autre au contraire vante sans cesse leur heureuse influence ; mais par l'abus qu'il en a fait, il est la plus forte preuve du système de Rousseau. Leur philosophie embrasse toutes les conditions de la société. Celle de Voltaire est celle des gens heureux, et se réduit à ces deux mots: Gaudeant bene nati. Rousseau est le philosophe des malheureux; il plaide leur cause, et pleure avec eux. Le premier ne vous présente souvent que des fêtes, des théâtres, de petits soupers, des bouquets aux belles, des odes aux rois victorieux; toujours enjoué, il abat en riant les principes de la morale, et jette des fleurs jusque sur les