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la veille des jours qui vont dévorer la vie de ceux à qui elles la donnèrent. La mort leur épargne la douleur suprême d’assister à celle de leur fils. Je ne crois pas qu’il y ait rien de cruel comme la survivance d’une mère à l’immolation de son enfant. Après cinq mortelles années d’angoisse, la mère de Camille ne buvait pas du moins la dernière goutte du malheur.

Il aurait pu fuir, se sauver ; il resta pour mourir. Courage sublime dans un adolescent qui craignait la mort ! Quand ils vinrent pour le prendre, il embrassa, pour la dernière fois, sa Lucile, son enfant qui dormait dans le berceau, descendit et se livra. Quelques instants après, la prison du Luxembourg se fermait sur lui.

C’est de là qu’il écrivit à Lucile ces billets sanglotants que nul n’a lus sans les garder dans le cœur ; c’est le cri du désespoir ; il regrette la vie, il est si jeune ; c’est la défaillance, bien pardonnable, d’un cœur qui aime ; c’est aussi le chant de la mélancolie suprême et résignée.

Peu de jours après, Danton, Camille, Fabre d’Eglantine, les Indulgents, montèrent de la Conciergerie au tribunal. On sait le reste.


Marc Dufraisse


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