Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/15

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moi six mille personnes. « Citoyens, dis-je alors, vous savez que la nation avait demandé que Necker lui fût conservé, qu’on lui élevât un monument, et on l’a chassé ! Peut-on vous braver plus insolemment ? Après ce coup, ils vont tout oser, et, pour cette nuit, ils méditent, ils disposent peut-être une Saint-Barthélémy pour les patriotes. » J’étouffais d’une multitude d’idées qui m’assiégeaient ; je parlais sans ordre : « Aux armes ! ai-je dit, aux armes ! Prenons tous des cocardes vertes, couleur de l’espérance. » Je me rappelle que je finissais par ces mots : « L’infâme police est ici ! Eh bien ! qu’elle me regarde ! qu’elle m’observe bien ! Oui, c’est moi qui appelle mes frères à la liberté. » Et levant un pistolet : « Du moins ils ne me prendront pas en vie, et je saurai mourir glorieusement ; il ne peut plus m’arriver qu’un malheur, c’est celui de voir la France devenir esclave. » Alors je descendis : on m’embrassait, on m’étouffait de caresses. — Mon ami, me disait chacun, nous allons vous faire une garde, nous ne vous abandonnerons pas, nous irons où vous voudrez. — Je dis que je ne voulais point avoir de commandement, que je ne voulais qu’être soldat de la patrie. Je pris un ruban vert, et je l’attachai à mon chapeau le premier. Avec quelle rapidité gagna l’incendie ! »

(T. II, page 91.)

On sait le reste ; le lendemain lundi, on s’arme ; le surlendemain, la Bastille