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secrets de son ministre, si on lui demandait compte de tout le sang qui a coulé dans cette boucherie souterraine de Ruel ? Ô rois ! oui, je vous ai en horreur ! Comment ne vous haïrait-on pas, tigres que vous êtes ? Que me fait que ce soit un Louis XI ou un Louis XIII qui occupe le trône ? La différence du tyran et du roi faible est nulle. Le calcul des assassinats, des violences et des injustices, ne donne-t-il pas le même résultat sous l’un et l’autre règne ?

Louis le Grand. Ce prince dont l’Académie française s’est tant engouée, et qu’on a divinisé pendant un siècle aux yeux de la raison, au tribunal de la postérité, et jugé d’après les faits, témoins irrécusables, qu’est-il réellement[1] ? Mauvais parent, qui trouvait bourgeois d’aimer sa famille ; mauvais ami, égoïste ; qui recommandait à Philippe V de n’aimer personne ; mauvais époux, à qui Marie-Thérèse rendit ce témoignage le jour de sa mort, qu’elle n’avait pas eu un seul jour heureux depuis son mariage, lorsque ce roi était forcé de lui en rendre un si différent : que sa perte était le premier sujet de chagrin qu’il recevait d’elle ; mauvais frère : on sait combien il fut jaloux de la victoire de Cassel, succès qui fit perdre

  1. Nous voilà bien loin de Voltaire et du siècle et de Louis XIV. Avant Lemontey, Pelletan, Michelet, dès 89 Desmoulins juge le grand roi comme le jugera l’histoire.