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ter, on n’attendait que l’autorisation de Douze. Mais parmi eux, il y avait un évêque qui abhorre le sang[1], et Me Tronchet, qui abhorre l’aristocratie comme un bâtonnier. La réponse fut que cette affaire ne les regardait pas. Eh ! Monsieur, c’est donc moi que cela regarde ? Comment l’Assemblée nationale, de qui on peut dire avec vérité que tout pouvoir lui a été donné sur la terre, doute-t-elle si elle a autant de droit qu’un bailli de village de décréter sur la rumeur publique ? Quand on ne marie pas les filles, disait le vieux Bélus, le père de la princesse de Babylone, elles se marient elles-mêmes. Quand on ne fait pas justice au peuple, il se la fait lui-même. Aussi ai-je vu ce jour-là des citoyens courir éperdus autour de moi, en criant avec une voix terrible : « Ô Lanterne ! Lanterne ! »

Loin de moi l’affreux dessein de décrier les

  1. Que ce prélat n’accuse pas la Lanterne d’injustice à son égard. Elle se souvient encore de son zèle pour le Tiers ; elle-même a aimé ses efforts et ses prières ardentes pour arracher, à Poissy, le sieur Thomassin à la fureur aveugle de la multitude. Jamais le pontife de Rome, du haut de sa chaire, régnant sur les rois à ses pieds, n’a été si grand que l’évêque de Chartres à genoux aux pieds du peuple, et suppliant pour l’innocence. Mais autant un ministre des autels était à sa place à la tête de la députation de Saint-Germain, autant sa présence dans le comité criminel est dérisoire.
    (Note de Desmoulins.)