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tiendront la plume, et de l’autre, la liberté et la vertu, il peut y avoir le moindre danger que le peuple, juge dans ce combat, puisse passer du côté de l’esclavage ? Quelle injure ce serait faire à la raison humaine, que de l’appréhender ! Est-ce que la raison peut craindre le duel de la sottise ? Je le répète, il n’y a que les contre-révolutionnaires, il n’y a que les traîtres, il n’y a que Pitt, qui puissent avoir intérêt à défendre, en France, la liberté la liberté même indéfinie de la presse ; et la liberté, la vérité, ne peuvent jamais craindre l’écritoire de la servitude et du mensonge.

Je sais que, dans le maniement des grandes affaires, il est permis de s’écarter des règles austères de la morale ; cela est triste, mais inévitable. Les besoins de l’État et la perversité du cœur humain rendent une telle conduite nécessaire, et ont fait de sa nécessité la première maxime de la politique. Si un homme en place s’avisait de dire tout ce qu’il pense, tout ce qu’il sait, il exposerait son pays à une perte certaine. Que les bons citoyens ne craignent donc point les écarts et l’intempérance de ma plume. J’ai la main pleine de vérités, et je me garderai bien de l’ouvrir en entier ; mais j’en laisserai échapper assez pour sauver la France et la République, une et indivisible.

Mes collègues ont tous été si occupés et emportés par le tourbillon des affaires, les uns