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volution, que vous enfermez, qui sont dangereux ? De vos ennemis, il n’est resté parmi vous que les lâches et les malades. Les braves et les forts ont émigré. Ils ont péri à Lyon ou dans la Vendée ; tout le reste ne mérite pas votre colère. Cette multitude de feuillants, de rentiers, de boutiquiers, que vous incarcérez dans le duel entre la monarchie et la république, n’a ressemblé qu’à ce peuple de Rome, dont Tacite peint ainsi l’indifférence, dans le combat entre Vitellius et Vespasien.

« Tant que dura l’action, les Romains s’assemblaient, comme des spectateurs curieux, autour des combattants ; et, comme à un spectacle, ils favorisaient tantôt ceux-ci et tantôt ceux-là par des battements de mains et des acclamations, se déclarant toujours pour les vainqueurs, et lorsqu’un des deux partis venait à lâcher pied, voulant qu’on tirât des maisons et qu’on livrât à l’ennemi ceux qui s’y sauvaient. D’un côté, l’on voyait des morts et des blessés ; de l’autre, des comédies et des restaurateurs remplis de monde. » N’est-ce pas l’image de nos modérés, de nos chapelains, de nos signataires de la fameuse pétition des huit mille et des vingt mille, et de cette multitude immobile entre les jacobins et Coblentz, Belon le succès, criant : Vive La Fayette et son cheval blanc ! ou portant en triomphe le buste de Marat, et le nichant dévotement à la place de la Notre-Dame du