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de la presse et d’une guillotine économique, qui frappât tous les chefs et tranchât les complots, sans tomber sur les erreurs.

Je crois qu’un représentant n’est pas plus infaillible qu’inviolable. Quand même le salut du peuple devrait, dans un moment de révolution, restreindre aux citoyens la liberté de la presse, je crois que jamais on ne peut ôter à un député le droit de manifester son opinion ; je crois qu’il doit lui être permis de se tromper ; que c’est en considération de ses erreurs que le peuple français a un si grand nombre de représentants, afin que celles des uns puissent être redressées par les autres. Je crois que, sans cette liberté d’opinion indéfinie, il n’existe plus d’assemblées nationales ; je crois que le titre de député ne serait plus qu’un canonicat, et nos séances des matines bien longues, si nous n’étions obligés de méditer, dans le silence du cabinet, ce qu’il y a de plus utile à la République, et, après que notre jugement a pris son parti sur une question, d’avoir le courage de dire notre sentiment à la tribune, au risque de nous faire une foule d’ennemis. Il est écrit : Que celui qui résiste à l’église soit pour vous comme un païen et un publicain. Mais le sans-culotte Jésus n’a point dit dans son livre : Que celui qui se trompe soit pour vous comme un païen et un publicain. Je crois que l’anathème ne peut commencer de même pour le député, non