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rage n’est point la démence, et il y aurait de la démence à ne point suivre le conseil de Pollion : « Je n’écris point contre qui peut proscrire. » Ce serait avouer que nous ne sommes pas républicains, et tu ne peux te résoudre à faire cet aveu.

Comment se faire illusion à ce point ! Pour moi, je ne conçois pas comment on peut reconnaître une république là où la liberté de la presse n’existe point. Sais-tu ce que c’est qu’un peuple républicain, un peuple démocrate ? Je n’en connais qu’un parmi les anciens. Ce n’étaient point les Romains : à Rome, le peuple ne parlait guère avec liberté que par insurrection, dans la chaleur des factions, au milieu des coups de poings, de chaises et de bâtons, qui tombaient comme grêle autour des tribunes. Mais de véritables républicains, des démocrates permanents, par principes et par instinct, c’étaient les Athéniens.

Non-seulement le peuple d’Athènes permettait de parler et d’écrire, mais je vois, par ce qui nous reste de son théâtre, qu’il n’avait pas de plus grand divertissement que de voir jouer sur la scène ses généraux, ses ministres, ses philosophes, ses comités ; et, ce qui est bien plus fort, de s’y voir jouer lui-même. Lis Aristophane qui faisait des comédies il y a trois mille ans, et tu seras étonné de l’étrange ressemblance d’Athènes et de la France démocrate. Tu y trouveras un Père