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fait cent lieues malgré son grand âge, à être obligée, pour le voir encore une fois, à se trouver sur le chemin de l’échafaud. Je crois que la prison est inventée non pour punir le coupable, mais pour le tenir sous la main des juges. Je crois que la liberté ne confond point la femme ou la mère du coupable avec le coupable lui-même, car Néron ne mettait point Sénèque au secret, il ne le séparait point de sa chère Pauline, et quand il apprenait que cette femme vertueuse s’était ouverte les veines avec son mari, il faisait partir en poste son médecin pour lui prodiguer le secours de l’art et la rappeler à la vie. Et c’était Néron !

Je crois que la liberté ne défend point aux prisonniers de se nourrir avec leur argent comme ils l’entendent, et de dépenser plus de 20 sous par jour ; car Tibère laissait aux prisonniers toutes les commodités de la vie, quibus vita conceditur, disait-il, us vitæ usas concedi debet ; et ceux que nous appelons avec raison nos tyrans payaient cependant 12 francs et jusqu’à 25 francs, par jour, pour nourrir ceux de leurs sujets qu’ils faisaient embastiller comme suspects, et jamais Commode, Héliogabale, Caligula n’ont imaginé, comme les comités révolutionnaires, d’exiger des citoyens le loyer de leur prison et de leur faire payer, comme à mon beau-père, 12 francs par jour, les six pieds qu’on lui donne pour lit.

Je crois que la liberté ne requiert point que