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Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/168

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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

Tinlinn invita Arthur-le-Brûleur à proposer une santé, et celui-ci, par courtoisie, porta celle des braves hommes d’armes d’Howard (5). Les Anglais ne voulurent pas céder en politesse aux Écossais ; et Roland Forster s’écria à haute voix : — Un toast à votre belle mariée ! — L’ale brune[1] remplit les coupes de son écume pétillante, aux bruyantes acclamations de tous les convives. Jamais pareils transports de joie n’avaient éclaté parmi le clan de Buccleuch depuis le jour où la mort d’un cerf avait acquis ce nom au premier de leurs Chefs.

ix.

Le méchant page n’avait pas oublié l’arc de Wat Tinlinn. Il jura de se venger et de lui faire payer bien cher son adresse à décocher une flèche. D’abord il le tourmenta par des railleries piquantes : il raconta comment il avait pris la fuite à la bataille de Solway, et comment Hob Armstrong avait consolé sa femme. Bientôt, craignant encore son bras vigoureux, il lui joua plus d’un tour malin en tapinois, faisant disparaître de son assiette les meilleurs morceaux, et renversant le pot de bière qu’il portait à ses lèvres. Enfin, se glissant adroitement sous la table, il lui enfonça dans le genou une épingle acérée dont la pointe envenimée lui fit une blessure qui ne put se guérir de long-temps. Tinlinn se lève en jurant de colère, renverse la table et les flacons. Mais, au milieu du tumulte et des clameurs, le nain retourna dans la grande salle, y prit son poste dans un coin obscur ; et murmura en faisant une grimace effroyable : — Perdu ! perdu ! perdu !

x.

Cependant la noble dame, craignant que quelque nouvelle querelle ne vînt encore troubler la bonne intelligence, ordonna aux ménestrels de commencer leurs chants. Un vieux barde, portant un ancien nom, Albert Grœme, se

  1. Bière douce. — Ed.