Page:Oeuvres de madame Olympe de Gouges.pdf/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prévenu ſur mes craintes. La femme la plus entière dans ſes réſolutions, eſt aujourd’hui la plus ſoumiſe, & vous donne un exemple de ſageſſe peu commune chez les hommes, & on ne peut pas plus rare chez les femmes. Voici la lettre que j’avois écrite à la Comédie françaiſe pour l’engager à me laiſſer imprimer ma Pièce avant ſa Repréſentation.


MESSIEURS,

« Les femmes, qui ont eu avant moi le courage de ſe faire jouer ſur votre Théâtre, m’offrent un exemple effrayant des dangers que court mon ſexe dans la carrière dramatique. On excuſe volontiers les chûtes fréquentes qu’y font les hommes ; mais on ne veut pas qu’une femme s’expoſe à y réuſſir. J’ai de l’ambition comme tous les hommes ; mais je ſais combien il vous ſera déſagréable, Meſſieurs, de charger votre mémoire de rôles, qui vous deviendraient inutiles. Ainſi, je vais vous prouver que lorſqu’une fois la raiſon m’a vaincue, je ſuis ſuſceptible d’un grand déſintéreſſement. Voici le parti que je voudrais prendre ; je penſe que vous ne le déſapprouverez pas. Avant de faire jouer ma Pièce que vous avez bien voulu recevoir, & de vous expoſer à voir ſon peu de ſuccès, je voudrois preſſentir le goût du public, en la faiſant imprimer, & en l’offrant à la cenſure des Journaliſtes. Si le public accueille ma Pièce à la lecture, il doit néceſſairement l’accueillir ſur la ſcène, & vous la jouerez d’après l’opinion qui l’a fait recevoir. Au contraire, ſi elle eſt jugée mauvaiſe, je n’augmenterai pas la prévention con-