Page:Oeuvres de madame Olympe de Gouges.pdf/473

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ſenſibles à mes bons procédés, ils ſe ſont déchaînés contre moi, comme des brigands qui égorgent ceux qui leur ont donné l’hoſpitalité. Fort heureuſe ! qu’ils m’ayent laiſſé la vie. Et je leur fais grace de bon cœur de ce qu’ils m’ont ſubtiliſé ou volé. Ah ! C. de B… s’ils étoient connus de vous : fi vous mettiez parmi ces brigands mon ſuccès à l’enchère ; jamais on n’auroit vu de chûte ſemblable à la mienne. Je craindrois même pour l’honnête Spectateur, quoique nombreux, que la Comédie Françoiſe ne devint une caverne dans cette ſoirée ; mais que faire ? Ce qu’on ne peut détruire il faut ſavoir le ſupporter & prendre ſon mal en patience. J’eſpère beaucoup des honnêtes gens & peut-être triompherai-je de la cabale odieuſe qui s’élève contre moi. Je m’afflige de tout, je ſais rire de même. Une mouche qui me pique ſans que je m’y attende me contrarie ou me fait entrer dans une colère inſupportable ; mais préparée aux ſouffrances & aux évènemens, je ſuis plus conſtante & plus paiſible que l’homme le plus flegmatique. Les petits chagrins me déſolent, les grands maux me calment & me donnent du courage. Je ſuis pétrie de petits défauts ; mais je poſſède de grandes vertus. Peu de perſonnes me connoiſſent à fond, peu ſont en état de m’apprécier ; on a eu différentes diſputes ſur mon compte. Les uns me voyent d’une façon, chacun me juge différemment & je ſuis cependant toujours la même ; ce n’eſt pas moi qui varie : je ne puis ſympatiſer qu’avec des perſonnes véritablement honnêtes. J’abhore les hommes faux, je déteſte les méchans ; je fuis les frippons, je chaſſe les flatteurs ; & on peut juger par-là que je ſuis ſouvent ſeule. Je ne